De Roybon à Grenoble : Alternatives partout !

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De Roybon à Grenoble : Alternatives partout !

Jour 27

(01 juillet)

Aujourd’hui nous nous réveillons dans un centre de loisir au beau milieu des champs de maïs. Certains ont dormi à la belle étoile – ou plutôt à la belle lune, très brillante et presque pleine – pour bénéficier d’un peu de fraîcheur. Nous nous préparons à rouler sous une chaleur torride. La vingtaine de kilomètre nous séparant de notre étape de midi s’effectuera sans mal, bien qu’une bonne partie de la route longe des zones industrielles bétonnées de magasins et d’usines à perte de vue. En arrivant à Romans sur Isères, une belle équipe de cycliste nous attend.

A l’origine, nous pensions que les étapes du midi seraient des temps de repos et de rencontre avec les locaux, en toute simplicité. En réalité, nous sommes souvent accueillis par des groupes enthousiastes à l’idée de parcourir la ville en chantant les “pourquoi” et “comment” du Tour Alternatiba. Les vélorutions sont, il est vrai, des moments festifs qui permettent de donner envie aux passants de s’intéresser aux enjeux climatiques et de les inviter à partager un repas. Pour nous c’est aussi l’occasion de découvrir des lieux uniques, comme ces quartiers aux maisons de bois, dont les balcons restés intacts servaient à faire sécher les peaux tannées.

Romans a en effet longtemps été le haut lieu de la confection de chaussures en France. Mais vous vous en doutez, le secteur a mal résisté à la concurrence étrangère. Un regain d’attention pour les produits de qualité et la relocalisation des activités permet néanmoins aujourd’hui à de nouvelles entreprises de dynamiser l’économie locale. Comme le rappel Thomas, fondateur de la marque 1083, “il y a 20 ans, Romans rassemblait plus de 2 000 emplois dans le secteur de la chaussure, contre 300 aujourd’hui”. Il est alors heureux de pouvoir proposer des chaussures éco-conçues et des jeans entièrement teints, tissés et confectionnés en France. Au dessert, autour d’un grand plat de cerises, melons et abricots, nous avons notamment découvert l’histoire de son périple en vélo : Thomas a lui aussi rallié les antipodes de l’hexagone en pédalant, de Menton à Porspoder… sur 1083 kilomètres !

Nous avons également été impressionnés par le dynamisme des maisons de quartier de la ville qui, à l’instar de la Maison de quartier Saint Nicolas, conjugue accessibilité, créativité et qualité. La maison, gérée par les habitants du quartier, propose aux plus démunis tout plein d’activités festives, culturelles, sportives, citoyennes et des sorties pour découvrir les magnifiques alentours. Elle met également à disposition un large éventail de services et de biens, comme les vélos électriques qui nous ont accompagné lors de la vélorution et sont prêtés aux personnes recherchant un emploi, pour faciliter leur déplacement.

Ce sont souvent de véritables petits villages des alternatives qui se dressent le temps d’un repas, exhibant la vivacité des initiatives citoyennes. C’est l’occasion pour le tissu associatif local de resserrer ses liens, pour les passants de s’informer… Et pour nous de regagner l’énergie nécessaire à l’effort de l’après midi. Ces belles surprises et la force qui s’en dégagent font de cette formule apparemment moins reposante qu’une sieste, une source intarissable de carburant !

Et du carburant il nous en a fallu pour pédaler cet après midi là, sur une trentaine de kilomètres, en pleine canicule et en montée – heureusement Elisabeth et ses copains de l’asso “A pinces et à vélo” étaient là pour débusquer les chemins ombragés ! Essoufflés à petit feu par un bon gros faux plat, nous n’étions plus très frais en abordant la pente raide qui nous a mené, à travers la forêt, jusqu’à la ZAD de Roybon. Des gendarmes postés ici et là nous observaient, d’une mine étonnée, ils ne semblaient par comprendre pourquoi nous nous donnons tant de mal.

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Pour nous, cela ne faisait pas l’ombre d’un doute : en cette fin d’après midi, nous partions à la découverte d’un lieu magique, sous la protection d’hommes et de femmes pleins de courage. La riche forêt du Chambaran compte une zone humide unique sur le plan écologique, elle est pourtant menacée par un projet de Center Parcs (création ex nihilo d’un complexe touristique prenant la forme d’une bulle tropicale artificielle hautement énergivore). La zone, qui a vu couler autant de sève que d’encre au cours de ces derniers mois – une centaine d’hectares ont dors et déjà été détruits – compte des espèces végétales et animales protégées. Et notre passage par la ZAD tombait à pic ! Le lendemain allait être rendu l’avis du rapporteur public du tribunal administratif de Grenoble sur la validité de l’arrêté préfectoral autorisant les travaux. Excellente nouvelle, l’insuffisance des mesures compensatoires ainsi que le non respect des procédures allait aboutir à la recommandation d’une annulation totale, immédiate et rétroactive du projet… affaire à suivre !

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Nous avons eu droit à un super accueil à la ZAD, visité les lieux (cabanes sous et dans les arbres, maison en torchis, yourte, jardin et petit parc photo-voltaïque) et apprecié l’excellent repas que l’on nous avait préparé ! Les journalistes de Télérama et Elle, qui nous accompagnaient depuis la veille, ont été surpris par la douceur et la bienveillance des habitants de la forêt. Ils ont pu constater que les occupants sont ici pour préserver et construire, sont animés par la volonté de vivre les alternatives à un système qui ne les représente pas. Malheureusement, l’image que l’opinion publique se fait des “zadistes” est loin de la réalité, les stéréotypes ont du mal à être dépassés et la communication nécessaire à la compréhension mutuelle et la progression du débat public local en pâtit. Il s’agit pourtant de prendre part à une réflexion de fond sur les stratégies de développement de nos territoires, sur la manière dont est géré l’argent public, la préservation de nos espaces naturels et des ressources qui, comme l’eau, en dépendent.

Cette journée n’en finissant pas de nourrir nos réflexions et d’éveiller nos sens, nous avons quitté la ZAD sous une lumière d’or et descendu, cheveux au vent, les collines du Chambaran. Une soirée était organisée par les habitants du magnifique village de Saint-Antoine-L’Abbaye pour évoquer la question du changement climatique, faire le lien avec le projet de Center Parcs et montrer que les citoyens de ce petit village pittoresque développent eux aussi la voie des alternatives, notamment au sein de Saint-Antoine en transition. Ce collectif co-présidé par une dizaine de citoyens, promeut l’entraide, le partage et la convivialité en organisant des “cinébouffe”, fêtes, troc et autres types d’échanges et de mise en commun, il a même tout récemment lancé son marché de producteurs.

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Puis nous avons gagné notre lieu d’hébergement : cerise sur le gâteau, nous avons été accueilli au sein d’un véritable havre de paix, par l’Arche de Saint Antoine. La communauté de l’Arche est un réseau de lieux de vie en commun ou l’on cultive non violence et spiritualité, depuis 1948. L’Arche accueille des personnes désirant se former à l’action non violente (elle apporte par exemple un soutien historique solide aux Faucheurs volontaires), suivre l’un stage des multiples stages relatifs à la connaissance et à l’expression de soi, notamment à travers la musique, la danse, le chant ou des disciplines telles que le Qi Gong ou le Yoga, ou de simple visiteurs en quête de quiétude. Autant vous dire que ce soir là, nous avons fait de bien jolis rêves !

Jour 28

(02 juillet)

Après cette bonne nuit et un petit déjeuné partagé avec la communauté, nous avons visité le lieu, ses jardins, sa boulangerie, sa bibliothèque… puis filé sur la route direction l’Albenc. Particulièrement en forme, nous avions de l’avance sur notre timing. Notre guide en a alors profité pour louper un embranchement et allonger notre itinéraire de quelques kilomètres… Ah comme il est agréable de se laisser perdre sur les chemins de l’Isère ! Le pays est magnifique, cela donne envie d’y revenir.

Après un pique-nique au calme préparé par l’association Espace nature Isère, que nous avons eu le plaisir de partager avec Michèle Bonneton, députée, nous avons suivit un agréable chemin jusqu’à Grenoble. En approchant de la “capitale des Alpes”, nous avons été rejoints par une centaine de personne, le velomnibus était de la partie lui aussi ! En plein cœur de la ville, dans le parc Paul Mistral, étaient installés des belles tablées de pleines de fruits et légumes prêts à être croqués ou bu en smoothie grâce à un vélo-mixeur bricolé. Nous avons tous passé un moment très convivial, assis sur la pelouse, et repris des forces ! Nous sommes ensuite allé nous présenter aux élus de la ville et à son maire, Éric Piolle.

Aux dernières élections, la liste rassemblant les écologistes, dont est issu le maire, ainsi que d’autres partis à la gauche de la gauche ont remporté 40% des suffrages, faisant de Grenoble la première ville de plus 160 000 habitants à être dirigée par une liste ecolo. En participant à démocratisation et à la popularisation des enjeux environnementaux et de la nécessaire transition sociale et écologique, le mouvement Alternatiba a reçu un très bon accueil. Les élus avait pris connaissance de notre Pacte de la transition, ils avaient étudié les convergences entre les préconisations faites par ce document et les politiques en cours et à venir de la ville. Éric Piolle est alors devenu le second maire de France à signer officiellement le Pacte – après Michel Bourgain, maire de l’Ile-Saint-Denis.

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Le soutien du maire est un vrai atout pour le grand village des alternatives qui se tiendra en même temps que l’arrivée du Tour à Paris et le village de la capitale, les 26 et 27 septembre. Un événement qui promet d’être déterminant pour la vie associative et citoyenne tant il rassemble de structures et d’énergies différentes, dont beaucoup de jeunes gens. On a hâte de voir ça, au moins en photo, bons préparatifs les amis !

Jour 29

(03 juillet)

Aujourd’hui, nous avons droit à une nouvelle journée de repos, que nous appelons désormais des journées sans pédaler – le repos on a oublié ce que c’est ! Nous profitons donc de l’hospitalité des Kapseurs,cdes collocs à 50 comme ils disent, installés dans le logement solidaire !! http://kolocsolidaire.org/grenoble/les-logements !! à l’initiative de l’AFEVE, pour nous faire une grosse réunion d’équipe toute la matinée.

L’après midi, Michaël, fondateur de Pedal Power, l’entreprise berlinoise qui a fabriqué nos tandems, nous a fait le plaisir de nous rendre visite. Il a méticuleusement inspecté les vélos… Et nous a félicité de notre bonne utilisation 🙂 Gravir des montagnes sur ce type de cycle est hors du commun, Michaël n’a jamais vu cela, il est donc curieux de savoir comment se déroule notre aventure et nous pose plein de questions. Nous lui en retournant tout autant pour continuer à faire la connaissance de nos camarades de route, petite et grande triplettes, et quadruplette. Ce moment avec lui était très sympathique, merci d’être venu Michaël, et à bientôt peut être, à l’arrivée à Paris !

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Après cette journée consacrée à la mécanique et à l’étude des meilleurs techniques de conduite, nous sommes fin prêts à repartir… Alpes nous voilà !


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juillet 6, 2015at 1:41

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