[Tour Alternatiba] – Crime climatique Stop !
Jour 92 – 04 septembre – La Tranche-sur-Mer / Marans
Avant de quitter les Sables d’Olonne, nous commençons par marquer un petit arrêt sous l’horloge du front de mer. Le panorama y est fort sympathique, les retrouvailles avec les locaux montés sur leurs vélos l’est encore plus. Ils sont une demi douzaine à nous escorter au cours de cette étape, c’est chouette !
Guillaume fait partie de la bande. Très curieux et aimant partager ce qui l’anime, il pédale à côté des triplettes et engage la discussion. Parmi les thématiques de prédilection du jeune homme, une lui tient particulièrement à cœur : l’alimentation. Depuis qu’il fait la part belle aux fruits et légumes, Guillaume a gagné en énergie et en bonne humeur. Soucieux des dommages collatéraux de la malbouffe qui touche de plein fouet sa génération, il a pour projet d’ouvrir un bar à jus. Et plus il approfondit ses recherches et réflexions, plus cette démarche lui semble cohérente et nécessaire. Merci pour ces échanges Guillaume et à très bientôt !
Après en avoir pris plein la vue sur la Vélodyssée, piste cyclable longeant la côte atlantique de la Scandinavie au Portugal, nous sommes arrivés à la Tranche-sur-Mer. L’impression que l’on a en traversant ces villes vidées du flot d’estivants annuels, est étrange. La population est parfois multipliée par dix au cours de la saison et l’économie locale est entièrement tournée vers le tourisme : les bouées en plastiques et les marchands de glaces semblent s’ennuyer sévère en ce début septembre.
En tout cas nous avons bénéficié d’un accueil du tonnerre et dégusté de délicieux melons charentais qui accompagnaient à merveilles les énormes saladiers de caviar d’aubergines et de poivrons marinés préparés par Pierre avec les légumes du jardin.
Cette pause de midi fut l’occasion pour le collectif qui nous a accueilli de partager avec nous l’état des luttes locales. Ici comme dans tous les endroits laissés à la marge du “développement”, la problématique majeure est la disparition progressive des services publics. Rassemblés depuis la fermeture d’une maternité au sein de l’ADSP (Association pour la Défense des Services Publics), les citoyens tentent de freiner le dépeuplement de leurs villes et villages et concentrent actuellement leur énergie sur le maintien de l’activité de tous les tronçons de la ligne de chemin de fer ralliant Quimper à Toulouse. Au “tout routier” préconisé par le rapport du député Duron et le volet transport de la loi Macron, ces habitants préfèrent le maintien des lignes inter-cités permettant de désenclaver la région, la réalisation de travaux d’entretien négligés depuis des décennies, ainsi que le développement du fret (limitant l’affluence de camions). Un groupe de supermamies nous a fait part de leur plan d’action en gare de Luçon fin septembre, ça va swinguer !
Puis nous avons repris la route guidés par Pierre, un habitué de l’Altertour. Il a évoqué le bouleversement écologique et humain qu’a connu le Sud de la Vendée depuis les années 60 : fin des pratiques culturales ancestrales adaptées à l’évolution permanente des zones humides et des dunes et artificialisation à grande échelle des marais. L’appât du gain a fait commettre bien des impairs aux constructeurs immobiliers et les aléas inhérents à ces espaces ont été ignorés par les autorités.
Les augmentations de fréquence et d’intensité des phénomènes naturels caractérisant les dérèglements climatiques en cours sont donc particulièrement problématiques dans la région, comme l’a tristement illustré le passage de la tempête Xynthia en 2010. Les pouvoirs publics ont depuis plus sérieusement évalué le danger et entrepris la construction de digues plus appropriées. Il est malheureusement fort probable que les 29 personnes décédées lors du passage de Xynthia soient loin d’être les dernières victimes de l’avidité de leurs semblables.
L’après midi s’est poursuivie de manière plus joyeuse grâce aux chaleureux accueil que nous a réservé le Centre socio-culturel des Pictons à Marans , et à la joie de vivre qui se dégage de cet espace de solidarité !
Jour 93 – 05 septembre – La Rochelle
Aujourd’hui 5 septembre, cela fait 3 mois tout juste que nous sommes partis de Bayonne et il nous reste 3 semaines tout juste avant notre arrivée à Paris, le samedi 26 septembre !
Tous &xe0; l&039;arriv&xe9;e du TourAlternatiba &xe0; Paris le 26 septembre !!&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;&x2022;…
Posted by 1000 Alternatiba on jeudi 3 septembre 2015
Nous quittons le Centre des Pictons de très bonne heure ce matin car le programme de la journée est chargé… mais finalement, c’est une heure idéale pour ressentir la vie qui s’éveille dans les marais et les bois qui entourent le canal de Rompsay que nous longeons en quittant Marans. Quantité d’oiseaux différents s’y côtoient et s’offrent à notre vue : hérons cendrés, cigognes, cygnes, fuligules, sarcelles et bien d’autres encore… Les lumières du matin sont extraordinaires et la piste cyclable qui longe ce canal est vraiment très agréable et permet de traverser pendant un long moment une zone naturelle à la faune très riche. C’est donc par un itinéraire des plus agréables que nous approchons de La Rochelle…
Nous faisons un premier arrêt à Périgny, à la Maison du Canal, une charmante maison d’hôtes tenue par Anne et Alain qui ont offert de nous héberger pour notre étape à La Rochelle, car ils soutiennent les alternatives portées par le Tour Alternatiba. Ils nous accueillent donc dans leur petit coin de paradis en ce milieu de matinée avec un petit-déjeuner des plus copieux ! La pause fut chaleureuse mais de courte durée car nous sommes attendus à La Rochelle au Foyer des Jeunes Travailleurs du quartier du Mireuil pour une rencontre avec visite des lieux et projection-débat.
Nous sommes reçus par Pascale, la directrice, qui nous explique le travail mené au sein de ces « résidences habitat jeunes » ; l’objectif est d’accueillir des jeunes de 16 à 30 ans, de leur proposer un logement, mais aussi de travailler sur le vivre ensemble, sur la rencontre, sur le fait de pouvoir échanger et de prendre du recul par rapport à la société. Il ne s’agit donc pas uniquement de loger des jeunes mais aussi de les étayer ! Les locataires sont donc en activité ou en formation professionnelle, en apprentissage. Ce foyer est géré par une quinzaine d’animateurs qui aident à l’autonomisation, à la gestion de ce qui est souvent, pour beaucoup, un premier logement. L’association a un projet social fort et développe aussi l’aspect culturel et citoyen, essayant de favoriser la création personnelle (théâtre, rencontres, repas à thèmes) et la réflexion (discussions sur des sujets d’actualités et sur la politique). Les rencontres sont riches car elles permettent à des personnalités très différentes, aux parcours très différents, d’échanger (mixité sociale). Mais ce qui est flagrant lorsque l’on entre dans ce foyer, c’est un engagement notable dans l’éducation à l’environnement et dans la transition écologique ; ainsi, le choix a été fait de sous-traiter la restauration à un traiteur local (Metiss & Bio) qui, comme son nom l’indique, propose des plats 100 % bio à partir de produits essentiellement locaux, de la cuisine du monde et du quartier ! De même, la sensibilisation au tri des déchets et à l’utilisation de vaisselle compostable est instaurée. Une réflexion est également engagée sur les aspects énergétiques des résidences avec l’objectif de construire des bâtiments « positifs » pour les futurs projets d’agrandissement. L’accueil de l’équipe Alternatiba était donc pour eux importante car eux aussi portent les idées de la transition écologique et c’était aussi l’occasion de rencontres intéressantes. Nous décidons donc de proposer une projection vidéo qui résume dans les grandes lignes les enjeux du dérèglement climatique et qui présente la dynamique des Alternatiba, les villages des alternatives et de la transition écologique, puis un temps d’échanges et de réactions avec les jeunes présents dans la salle commune.
Après ce temps de débat très intéressant, nous poursuivons la visite des lieux autour du « jardin autogéré », non pas par les jeunes : c’est bien le jardin qui s’autogère !!! Eric, de l’association Plus de vie pour la Terre, utilise le jardin du foyer avec l’objectif d’accompagner la nature dans son évolution, en respectant ses cycles. Les plantes qui sont autour de nous ne sont pas des plantes horticoles, mais des plantes qui ressemblent à des « mauvaises herbes », termes péjoratifs qu’Eric n’utilisent pas : il préfère parler d’herbes sauvages… Le travail de cette association est de renouer avec des connaissances perdues allant à l’encontre des enseignements actuels qui artificialisent les jardins : “On ne nous dira jamais que l’on peut planter dans les herbes, et surtout comment le faire, on ne nous dira jamais que l’on peut planter des plantes sans les arroser, sans mettre une bâche, etc. On arrache actuellement des plantes qui nous correspondent et qui nous apportent. 80% des espèces végétales présentes sont comestibles !” Il s’agit donc bien d’autres manières de faire, de jardiner ; des méthodes alternatives qui ont un impact faible sur le climat. Le résultat est impressionnant : l’endroit est beau, sensible et possède une réelle intelligence. On s’y sent bien, certains d’entre nous s’y endorment pendant la pause repas…
Mais il nous faut déjà quitter ce havre de paix pour rejoindre un autre quartier de La Rochelle pour le départ d’une grande vélorution à travers la ville ; de nombreux cyclistes viennent donc rejoindre notre cortège pour soutenir la transition écologique portée par Alternatiba et déambuler en chantant et en scandant les slogans « Changeons le système et pas le climat ! » ou « 1, 2 et 3, la Transition est là ! ». Nous achevons notre déambulation près du vieux port où a été installé un village des alternatives à l’initiative du collectif Alternatiba de la ville mais aussi par l’association Vive le vélo et par les Petits débrouillards. Nous étions 121 cyclistes au total et nous nous retrouvons près de 300 personnes à l’arrivée.
En plus des stands d’animations, des projections-débats, des animations itinérantes (Safari des énergies à pied, Tour des Cigalés en vélo). L’ambiance est très conviviale et nous retrouvons notre hôtesse de la Maison du Canal qui nous rejoint avec sa chaise de massage spécialement destinée aux cyclistes fourbus ! Nous regagnons ensuite son gîte pour une nuit très « confort » fort appréciée par toute l’équipe… Merci encore à Anne et Alain pour leur accueil et leur générosité !
Jour 94 – 06 septembre – Rochefort / Saintes
Pédaler en cœur sur les triplettes aux lueurs du petit jour, la mer à nos côtés… la journée ne pouvait mieux commencer 🙂 La piste cyclable Vélodyssée nous invite à saluer au passage l’île d’Aix puis l’île d’Oléron, charmantes ! Grande triplette n’était cependant pas dans son meilleur jour : à un peu plus de la moitié du parcours, vlan ! L’axe du moyeu lâche et laisse Max, Laurent et Cédric sur le carreau en attendant le fourgon logistique avec la pièce de rechange. Petite triplette a quand elle continué sa route pour ne pas manquer le rendez-vous vélorutionnaire pris avec les cyclistes de Rochefort. Au final, après une réparation express en bonne et due forme, l’équipe s’est retrouvée au complet pour entamer sa déambulation dans les rues rochefortaises, bien joué les mécanos !
Notre arrivée sur l’esplanade du dernier pont transbordeur de France fut particulièrement réjouissante. En ce dimanche midi ensoleillé, le petit village autogéré organisé par un collectif d’associations locales venues nous accueillir a rassemblé une foule de tous âges, profitant du cadre et de la diversité des activités proposées. Prés de 150 personnes un dimanche midi, décidément la mobilisation va crescendo.
Regroupés autour de magnifiques jeux en bois amenés par la Ludothèque de Marennes – billard indien, carrom ou jeu du gruyère – les enfants s’en sont donné a cœur joie ! Pendant ce temps la, un producteur de spiruline locale faisait déguster sa pâte à tartiner aux cyclistes… en voilà du remontant ! Foisonnant de vitamines et minéraux, composée de l’ensemble des acides aminés constituant les protéines nécessaires à la régénération de nos tissus musculaires, cette micro-algue d’eau douce présente l’avantage d’être cultivée sobrement. Le Collectif zéro déchets avait quant à lui mis en place un dispositif de tri et compostage pédagogique permettent aux convives du repas partagé de laisser la pelouse impeccable, tout en revisitant ses bonnes pratiques !
En guise de balade digestive, la Ligue pour la Protection des Oiseaux a de son côté proposé une visite des marais alentour. L’idée est d’observer les espèces y trouvant refuge, et d’attirer l’attention du public sur les effets délétères catastrophiques pour les oiseaux, entre autres, de la disparition des zones humides. A Rochefort, la LPO participe à la préservation d’un écosystème indispensable au passage des oiseaux migrateurs. Grâce à un partenariat pérenne avec la ville, elle appuie la gestion de la station de lagunage de la ville : la succession de traitements physiques et biologiques dans différents bassins offre une alternative naturelle et économique à l’épuration des eaux usées de l’agglomération, et tout plein d’insectes pour nourrir les oiseaux avant leurs grandes traversées !
Après avoir traversé la Charente grâce au transbordeur, nous avons pris la direction de Saintes. Le paysage a changé, le pays de Saintonge est bien vallonné et nous renouons avec les joies des petites montées et descentes en triplettes. Lors d’une vélorution champêtre d’Ecurat à Saintes, nous passons devant le lycée agricole du coin. Marie Claire, éleveuse de moutons en bio et exemple s’il en est d’humilité et de sobriété heureuse, nous fait part de sa révolte contre les méthodes d’agriculture intensive avec lesquelles on y façonne les esprits des étudiants. Maïs, tournesol, intrants chimiques, maïs, tournesol… la biodiversité de la région est en chute libre. Avec ses camarades de la Confédération Paysanne, Marie Claire lutte auprès des décideurs pour un nouveau modèle agricole, encourageant les paysans et non les exploitations industrielles, restaurant la santé des êtres vivants (des microorganismes du sol jusqu’au êtres humains) et assurant la souveraineté alimentaire des populations.
“Dis moi et j’oublierai, montre moi et je me souviendrai, implique moi et je comprendrai”. C’est avec cette citation de Confucius, proposée par l’association TERDEV – éducation à l’éco-citoyenneté et aux modes de vie durable- et avec une bonne tapenade d’orties, que nous finiront la journée ! Non sans avoir donné notre conférence quotidienne sur l’urgence climatique et la manière de gagner cette bataille décisive pour l’avenir de l’humanité. Elle est animée ce soir par Barth, qui en a désormais l’habitude mais également par Christophe Bonneuil, qui nous a rejoint aujourd’hui sur les vélos, aprés avoir donné hier une autre conférence à Alternatiba Grateloup dans le Lot-et-Garonne.
Christophe Bonneuil est historien des sciences au CNRS et dirige la collection « Anthropocène » au Seuil. Il a coordonné la publication du livre “Crime climatique stop !“, sorte d’appel de la société civile internationale à se mobiliser pour arrêter le dérèglement climatique en cours. A lire absolument, il comprend notamment des contributions de Naomi Klein, Vandana Shiva, Jean Jouzel, Susan George, Desmond Tutu, Bill McKibben, Geneviève Azam. C’est un pavé dans la mare qui pose publiquement, à deux mois de la COP21, une question centrale. Si l’on veut vraiment rester en dessous des +2°C de réchauffement moyen du globe terrestre à l’horizon 2100, il faut laisser sous le sol 2/3 à 80 % des réserves actuellement connues d’énergie fossile (pétrole, gaz, charbon) : quand commence-t-on à en parler sérieusement ? Et surtout à agir dans ce sens ?
Ce livre s’accompagne d’un Appel international intitulé “Laissons les fossiles dans le sol pour en finir avec crime climatique !”. Chacun-e peut le signer ici : http://350.org/climate-crimes-fr/
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