[Tour Alternatiba] – La bataille climatique ne se joue qu’une fois !
Jour 62 – 05 août – Roubaix / Lille
La journée s’annonce sportive : plus de 85 kilomètres au programme pour rejoindre Lille dont 65 pour la seule matinée ! Après quelques hésitations d’orientation en début de parcours, nous retrouvons finalement la longue et très agréable piste cyclable longeant le canal de la Lys. Au milieu des nombreux groupes de cyclistes et sous un magnifique soleil, nous avalons les kilomètres sans trop de difficultés et franchissons la frontière sur les coups de midi.
Nous sommes accueillis à Tourcoing par 62 cyclistes sur-motivés ! La déambulation pénètre dans Roubaix dans une ambiance festive, au rythme des chansons de HK et les Saltimbanks, originaires de la ville et compagnons de route d’Alternatiba. Un village associatif composé d’une quinzaine d’associations accueille le cortège, en présence de Guillaume Delbar, maire de Roubaix, qui reçoit le Pacte de la Transition et nous promet de l’étudier attentivement. Alors que Txetx anime la conférence en rappelant l’urgence climatique, Cécile, la régionale de l’étape, invite les citoyens à se mobiliser en vue de la COP21. A voir la vitalité des jeunes de l’association Parkour59 qui tentent de nous initier à l’art du déplacement urbain, il y a de l’espoir !
Avant de regagner Lille pour le départ de la seconde vélorution de la journée, nous faisons une halte devant le siège social de la famille Mulliez, propriétaire, entre autres, des marques Auchan, Décathlon, Kiabi ou Leroy Merlin. Le bétonnage de 55 hectares de terres agricoles de la métropole lilloise via sa filiale Immochan pour déplacer des magasins, en installer de nouveaux et surtout les encercler de gigantesques parkings constitue l’un des « projets d’avenir » du groupe familial. Plus de voitures et d’artificialisation ; moins de nature et d’agriculture responsable. Olivier Descamps, membre du collectif en lutte contre ce projet le clame haut et fort : on veut des champs, pas d’Immochan !
Accompagnés de 92 vélorutionnaires, nous quittons la place de l’Opéra pour gagner celle de la République, qui a accueilli en octobre dernier le magnifique village des alternatives d’Alternatiba Lille. Quel plaisir de voir les équipes de bénévoles s’agiter pour offrir un superbe repas végan à tous les cyclistes ! La soirée se termine par un temps de débats et d’échanges autour du changement climatique au Mutualab, vaste espace de travail partagé en plein cœur de Lille. L’occasion pour les très nombreux acteurs de la transition actifs dans la région de venir présenter leurs alternatives, témoignage de la vitalité du territoire.
Sur les rythmes rock du groupe lillois Kingsport Head, Cécile et Eric font leurs adieux à l’équipe du Tour. Nous leur donnons rendez-vous très bientôt pour de nouvelles aventures !
Jour 63 – 06 août – Loos-en-Gohelle
L’équipe du Tour Alternatiba accueille deux nouvelles recrues ce matin : Emma, qui vient de Bordeaux partager l’expérience du Tour avec son cousin Joan, membre de l’équipe depuis le départ de Bayonne ; et une nouvelle bicyclette logistique mise à disposition par l’ADAV, membre de l’Heureux Cyclage, le réseau des ateliers vélos participatifs et solidaires.
C’est un cortège élargi qui s’élance pour les 33 kilomètres qui nous séparent de Loos-en-Gohelle : outre André, qui nous accompagnera durant trois jours, quatre téméraires cyclistes se joignent à nous pour pédaler. Alors que nous dépassons les voitures agglutinées dans les embouteillages de la voie rapide, l’apparition presque surnaturelle des terrils à l’horizon nous replonge par la vision dans le passé minier de la région.
Nous sommes accueillis à Loos-en-Gohelle par Francis Maréchal, adjoint au Maire et compagnon de route du maire, Jean-François Caron. Les discussions vont bon train et l’élu nous présente la démarche exemplaire de la municipalité, parfaitement symbolisée par les éléments composant le blason de la ville : le lion des Flandres pour l’identité territoriale ; la gerbe de blé pour la tradition agricole de la commune ; la lampe à pétrole et la pioche, vibrant hommage au passé minier de la région et à la fierté de son histoire ; le phénix, symbole d’une ville détruite cinq fois par la guerre puis marquée par l’exploitation des mines et leurs fermetures, mais qui a toujours su se reconstruire et faire preuve de résilience.
Cliquer sur l’image pour voir la présentation.
L’héritage post-industriel avait de quoi laisser présager des jours sombres pour la commune : 20 % de son territoire recouvert de friches industrielles, chômage en forte hausse, image de soi dégradée… Rebondir ou mourir, poursuivre un modèle révolu ou aborder énergiquement la reconversion post-carbone du territoire : la municipalité a fait son choix. A la fermeture de la dernière mine en 1986, un important travail de valorisation fut mené avec les habitants afin que ceux-ci s’approprient de manière positive leur passé et qu’il devienne un élément structurant de leur avenir. La préservation des terrils 11/19, les plus hauts d’Europe, que Monsieur Maréchal désigne comme « ses pyramides », et leur classement au patrimoine mondial de l’Unesco en est le point d’orgue.
A Loos-en-Gohelle, transformation ne veut pas dire oubli. La commune est fière de son passé et le revendique. Et ça paye : installation de centres de formation aux métiers de l’éco-habitat, création d’emplois dans des bureaux d’études et le tourisme, recul du chômage. Surtout, la municipalité a su inventer un modèle de fonctionnement innovant, poursuivant un objectif central : éviter qu’au paternalisme du patron minier ne succède celui de l’élu local omnipotent. Ici, le citoyen est acteur, l’élu se considère comme un animateur, les décisions sont faites « avec » et pas seulement « pour » les habitants. Il en résulte plus de 200 réunions publiques par mandat et un doublement du nombre d’associations.
Le Pacte de la Transition proposé aux élus ne devrait avoir de difficulté à recevoir la paraphe du maire. Production d’électricité renouvelable en lien avec Enercoop, politique Zéro-Phyto, récupération des eaux de pluie, agriculture urbaine… Les actions de transition ne manquent pas !
Le soleil se couche paisiblement sur les terrils de Loos-en-Gohelle. Autrefois tant décriés, ils sont aujourd’hui jalousés. Le phénix a une nouvelle fois pris son envol.
Jour 64 – 07 août – Lens / Arras
Seuls 25 kilomètres séparent Loos-en-Gohelle d’Arras. Nous sommes donc largement à l’heure pour lancer la vélorution accompagnés d’une cinquantaine de cyclistes. La place du Théâtre d’Arras vibre depuis ce matin au rythme du village associatif installé par l’équipe d’accueil du Tour. Une vingtaine d’associations ont répondu à l’appel et font étalage de la diversité des alternatives au changement climatique existantes à Arras. Plus de 400 personnes déambuleront aujourd’hui sur le village !
Emma prend la parole pour poser la question suivante aux 135 personnes présentes devant la scène : quel regard porteront sur nous les personnes vivant en 2040 ? Txetx et Romain le rappellent : la bataille climatique ne se joue qu’une fois. Nous la gagnerons ou nous la perdrons. Elle conditionnera toutes les autres batailles : celle pour la démocratie, celle pour la paix, celle pour l’éducation. La gagner veut dire construire un monde plus juste, plus solidaire, plus souhaitable. La perdre signifie la disparition de conditions de vie civilisées sur Terre. L’une des clés sera la mobilisation citoyenne. C’est l’enjeu que tente de relever le Tour Alternatiba en sillonnant les territoires du 5 juin au 26 septembre.
Comme un écho à nos discussions de la veille à Loos-en-Gohelle, Danielle, bénévole du village des alternatives, nous raconte le combat mené par les forces syndicales unies pour faire face à la fermeture de l’usine MetalEurope de Noyelles-Godault en 2003. Au total, 830 salariés licenciés, plus du double en comptant les sous-traitants. Au-delà de la disparition des emplois, elle nous raconte la perte de fierté des salariés licenciés et la difficulté de se reconstruire face aux mensonges des dirigeants de l’entreprise et la totale immunité dont ils semblent disposer. Mais Danielle garde le sourire et de ses propres mots nous avoue que la foule réunie ce soir la pousse à croire en l’avenir.
Pour redonner du baume aux cœurs, les musiciens grattent les guitares et poussent la chansonnette. PCH se lance dans un slam en hommage à Bruno, le basque de l’étape. Samuel, organisateur de l’étape distribue les plats pour un agréable repas partagé.
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